Mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public et du domaine privé

CE, 2 décembre 2022,Société Paris Tennis, n° 455033

CE, 2 décembre 2022, Mme C… A… et M. B… D…, n°460100

A la faveur de deux décisions du 2 décembre 2022, le Conseil d’Etat est venu clarifier les obligations de mise en concurrence en vue de l’attribution des titres d’occupation des propriétés publiques, tant s’agissant du domaine public que s’agissant du domaine privé.

Une obligation de mise en concurrence confirmée pour le domaine public…

Pour le domaine public, le Conseil d’Etat juge que la délivrance d’un titre d’occupation domaniale en vue d’exploiter une activité économique doit faire l’objet d’une forme de mise en concurrence. Et ce, même dans le cas particulier d’une autorisation consentie avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, conformément à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

En effet, si depuis l’ordonnance de 2017, l’article L. 2122-1-1 du CG3P impose une obligation de publicité et de mise en concurrence pour la plupart des cas d’occupation du domaine public par des tiers en vue d’une exploitation économique. Tel n’était pas le cas jusqu’à l’entrée en vigueur de ladite ordonnance puisque par une décision Association Paris Jean Bouin de 2010 le Conseil d’Etat avait jugé qu’« aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’impose à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance. La circonstance que l’occupant de la dépendance domaniale serait un opérateur sur un marché concurrentiel est sans incidence » (CE, Section, 3 décembre 2010, n° 338272, 338527, Recueil).

… mais écartée pour le domaine privé, pour les baux « qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de [la directive Services] »

Le Conseil d’Etat a jugé que la conclusion du bail emphytéotique portant sur l’hôtel du Palais de Biarritz, relevant du domaine privé communal, n’avait pas à être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.

Ainsi, pour le domaine privé, le Conseil d’Etat retient qu’« il ne résulte ni des termes de [la directive Services] ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive. »

La solution n’allait pas nécessairement de soi puisque la CJUE ne reconnaît pas de différence de principe entre le domaine public et le domaine privé des personnes publiques et partant, la seule circonstance que la délibération en litige porte sur un bien du domaine privé ne suffit pas à écarter l’application de l’article 12 de la directive « Services ».

Toutefois, le Conseil d’Etat n’écarte pas de manière générale et absolue toute obligation de publicité et de mise en concurrence pour l’attribution des baux portant sur le domaine privé des personnes publiques mais uniquement pour ceux « qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive »

A la lecture notamment des conclusions rendues sur ces décisions (ccl. C. RAQUIN sur CE, 2 déc. 2022, n° 455033, n° 460100), deux cas de figure paraissent devoir être distingués :

  • Celui où la personne publique, en plus de consentir un bail sur son domaine privé, agit en tant qu’administration réglementant une activité au titre de ses prérogatives de puissance publique.
  • Et celui où la personne publique se comporte comme un opérateur ou bailleur privé, gérant son domaine privé sans prérogative particulière.

Le premier cas de figure devrait rester d’application limitée à des hypothèses où, même sur son domaine privé, la personne publique fera usage dans l’octroi d’un bail ou d’une autorisation, de prérogatives de puissance publique qui pourront faire entrer ceux-ci dans le champ de l’article 12 de la directive Services, par exemple en mettant à la charge du locataire des obligations particulières dans l’exercice de son activité.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046678106?init=true&page=1&query=455033&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046678112?init=true&page=1&query=460100&searchField=ALL&tab_selection=all